La Glose

Publié le 21 août 2023 à 14:41

En espagnol, le mot glosa désigne une forme poétique savante en vers octosyllabiques : un quatrain est repris à la fin de chacune des strophes suivantes de dix vers (décimas), chaque strophe se présentant comme un commentaire du quatrain précédent. Cette forme poétique a été définie par V. Martinez Espinel (Diversas rimas, 1591). Depuis: https://accents-poetiques.com/

Chaque vers composant la première strophe est la conclusion de la strophe suivante, et ainsi de suite.

 


Pour exemple, cette " double glose ". Repérer les correspondances des vers en gras, et cela permettra de comprendre la structure du poème. 

 

     Le temps passe, le temps vient           Vers 1

      Tout est ancien, tout est nouveau ;   Vers 2

      Ce qui est mal, ce qui est bien             Vers 3

      Pèse et médite à tout propos ;             Vers 4

      N'espère pas et n'aie pas peur,            Vers 5

      Ce qui est flot en flot s'en va,               Vers 6

      Si on te mande ou on te leurre.           Vers 7

      A toute chose reste froid.                       Vers 8

 

      D'innombrables choses on voit,

      On en entend sonner beaucoup,

      Qui pourrait retenir cela,

      Et qui pourrait écouter tout ...

      Toi, tu dois t'asseoir d'un côté,

      Te retrouvant dans ton maintien,

      Dans les bruits de la vanité

      Le temps passe, le temps vient.              Reprise vers 1

 

      Que ne penche pas son aiguille

      La balance du froid penseur

      Vers l'instant léger qui oscille

      Pour le faux masque du bonheur

      Qui surgit de sa mort peut-être

      Et retombe dans le chaos;

      Pour celui qui peut le connaître

      Tout est ancien, tout est nouveau.          Reprise vers 2

 

 

Glose : Terme (...) qui depuis Aristote a désigné les mots ou locutions considérées comme étrangères à l'usage : archaïsmes, dialectismes, formes poétiques (Mar. Lex. 1933). Annotation brève portée sur la même page que le texte, destinée à expliquer le sens d'un mot inintelligible ou difficile, ou d'un passage obscur, et rédigée dans la même langue que le texte.

 L'auteur d'une glose est un « glossateur ». Dans le langage courant, en référence à l'excès de gloses dans certains textes, le verbe « gloser » en est venu à signifier aujourd'hui : ajouter des commentaires superflus, voire malveillants. On parle alors d'un « gloseur ».

Dans les textes anciens, du fait des altérations dues aux copies successives, il arrive parfois que certaines gloses deviennent indiscernables du texte original. L'analyse historique de ces textes essaie, entre autres, de détecter les gloses en s'appuyant sur la phylogénie des mots utilisés et de la grammaire, ces deux éléments, pour une langue donnée, ayant légèrement varié au cours du temps.

 

Wikipédia précise ceci en particulier : La duchesse de Longueville, les marquises de Montausier, de Sablé, les femmes en général, tenaient pour Voiture et Uranie. Le parti des Jobelins avait le prince de Conti, un frère de la duchesse de Longueville, à sa tête.

Ce fut autour du sonnet de Job qu’il se fit le plus de tapage. Il fit éclore des parodies,

des sonnets, des épigrammes. Sarrasin en fit une glose, l'un des rares exemples de cette forme en France

différente de la forme espagnole.

 

Glose de Sarrasin (selon le vocabulaire de l’époque au XVIIe siècle).

Glose à M. Esprit sur le Sonnet de M. Benserade.

Monsieur Esprit, de l'Oratoire,
Vous agissez en homme saint,
De couronner avecque gloire
Job de mille tourmens atteint.

L'ombre de Voiture en fait bruit,
En s'étant enfin résoluë
De vous aller voir cette nuit,
Vous rendra sa douleur connuë.

C'est une assez fâcheuse vûë,
La nuit qu'une Ombre qui se plaint.
Vôtre esprit craint cette venuë,
Et raisonnablement il craint.

Pour l'appaiser, d'un ton fort doux
Dites, j'ay fait une bévûë,
Et je vous conjure à genoux
Que vous n'en soyez point émûë.

Mettez, mettez votre bonnet,
Répondra l'Ombre, & sans berluë
Examinez ce beau Sonnet,
Vous verrez sa misère nuë.

Diriez-vous, voyant Job malade,
Et Benserade en son beau teint,
Ces Vers sont faits pour Benserade,
Il s'est lui-même icy dépeint.

Quoy, vous tremblez, Monsieur Esprit ?
Avez-vous peur que je vous tuë ?
De Voiture, qui vous chérit,
Accoûtumez-vous à la vûë.

Qu'ay-je dit qui vous peut surprendre,
Et faire pâlir vôtre teint ?
Et que deviez-vous attendre
D'un homme qui souffre & se plaint ?

Un Auteur qui dans son Écrit,
Comme moy reçoit une offense,
Souffre plus que Job ne souffrit,
Bien qu'il eût d'extrêmes souffrances.

Avec mes Vers une autrefois
Ne mettez plus dans vos Balances
Des Vers, où sur des Palefrois
On voit aller des patiences.

L'Herty, le Roy des gens qu'on lie,
En son temps auroit dit cela.
Ne poussez pas vôtre folie
Plus loin que la sienne n'alla.

Alors l'Ombre vous quittera
Pour aller voir tous vos semblables,
Et puis chaque Job vous dira
S'il souffrit des maux incroyables.

Mais à propos, hier au Parnasse
Des Sonnets Phoebus se mêla,
Et l'on dit que de bonne grâce
Il s'en plaignit, il en parla.

J'aime les Vers des Uranins,
Dit-il, mais je me donne aux Diables,
Si pour les Vers des Jobelins
J'en connois de plus misérables.

Jean-François Sarrasin

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